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(9a) La terre tourne elle autour du Soleil?

[IMAGE:Sun,Earth, Moon Triangle]

    Aristarque de Samos, un des premiers astronome grec (environ 310 à 230 avant Jésus Christ), fut le premier a estimer que la terre tourne autour du soleil, plutôt que le contraire. Il avait obtenu une première évaluation de la distance de la lune (section (8c)), par l'observation soigneuse d'une éclipse de lune, et cela lui a permis de connaître exactement la position du soleil du côté opposé du ciel. Hipparque, 169 ans plus tard, en déduira la precession des equinoxes.

    Mis à part l'évaluation de la distance et de la taille du soleil aucun calcul d'Aristarque n'a survécu. On sait qu'il pensait que le soleil, était l'organe central autour duquel la terre tourne, et non pas l'inverse. Il argumentait que le soleil était beaucoup plus grand que la terre, une pastèque comparée à une pêche, et il lui semblait peu probable qu'un aussi grand corps se satellise autour d'un tellement plus petit.

    Développons ici son raisonnement (pour le calcul réel d'Aristarque, voir la référence en fin de texte). En observant une éclipse lunaire (section (8c)) où la lune se déplace dans l'ombre de la terre, Aristarque se convint que l'ombre était environ deux fois plus large que la lune. Si la largeur de l'ombre est elle même égale à celle de la terre (en réalité, elle se rétrécit un peu au loin), alors le diamètre de la lune est la moitié de celui de la terre.

    Il arrive quelquefois que le soleil et la demi-lune soient vus en même temps pendant la journée, et Aristarque a essayé de déterminer le moment ou le disque visible de la lune était exactement à moitié éclairé, (premier ou dernier quartier) c.-à-d., l'instant où la frontière ombre - lumière est une ligne droite, coupant la lune exactement en deux (dessin du côté droit). Pour que ceci se produise, l'angle Terre-Lune-Soleil (angle SME dans le schéma) doit être exactement de 90 degrés. Connaissant le mouvement du soleil dans le ciel, Aristarque pouvait aussi localiser sur l'orbite de la lune le point P qui apparaîtrait exactement à 90° de la direction du soleil, vu de la terre. Si le soleil est très très loin, la demi lune sera aussi sur cette ligne, en position M' (indiquée ici un peu à côté pour plus de clarté)

    La somme des angles intérieurs d'un triangle étant de 180°, l'angle SEM entre la direction observée du soleil et celle de la lune est donc plus petite que 90°, et nous noterons la différence par la lettre grecque a (alpha). Nous savons maintenant qu'a est trop petit pour être précisément mesuré (surtout plus de 18 siècles avant l'invention du télescope !), mais Aristarque, en utilisant ses observations, a conclu qu'il valait 1/30 d'un angle droit, 3°. Comme le montre le schéma, l'angle ESM (Terre- Soleil- Lune) égale alors également 3°. Si Rs est la distance Soleil-Terre et Rm celle du Soleil à la Lune, un cercle de 360° autour du soleil à la distance de la terre a une longueur de 2pRs (p = 3.14159...). La distance Rm2 p Rs/120 ~ Rs/19 Par conséquent

Rs/Rm ~ 19

    Par conséquent, selon Aristarque, le soleil serait 19 fois plus éloigné que la lune. Mais les deux ont presque la même taille dans le ciel, quoique l'un d'entre eux soit 19 fois plus éloigné ! Le diamètre du soleil doit donc également être 19 fois plus grand que celui de la lune.

    Si maintenant le diamètre de la lune est moitié de la taille de la terre, le soleil doit être 19/2 , presque 10 fois, plus loin que la terre. Le fait que l'ombre soit progressivement plus étroite avec la distance modifie légèrement ce raisonnement (des détails ici), et en fait la terre est 3 fois et une fraction plus grande que la lune, et non deux fois. Si toutes les autres mesures d'Aristarque étaient correctes, cela ferait 19/3 fois du diamètre du soleil, un peu plus de 6 fois, celui de la terre.

    En fait ses mesures sont tout à fait imprécises. La position exacte de la lune est très proche de M' dans le schéma, et l'angle a est en réalité environ 20 fois plus petit que 3°, plaçant le soleil à 400 fois la distance de la lune, avec un diamètre de plus de 100 fois celui de la terre.

    Mais cette différence importe peu. La principale conclusion, est que le soleil est énormément plus grand que la terre, ce qui renforce l'argument d'Aristarque. Il pouvait aussi bien avoir trouvé un angle tout au plus de 3 degrés, dans ce cas le soleil était au moins 19 fois plus éloigné que la lune, avec une taille d'au moins 19/3 fois celle de la terre. Dans son résultat, il lui a également trouvé une taille très supérieure, beaucoup plus grande. Le résultat en lui même n'a pas d'importance, du moment que le soleil est beaucoup plus grand que la terre, il semble plus raisonnable qu'il soit au centre, plutôt que celle ci.

    C'était de bonne logique, mais peu l'on accepté, ni Hipparque, ni Ptolémée. En fait, il y avait un argument opposé: si la terre tournait autour du soleil, on serait des deux côtés opposés du soleil tous les 6 mois et si la distance était aussi grande qu'Aristarque le prétendait, les positions des étoiles différeraient elles une fois vues de ces deux points ? Nous connaissons maintenant la réponse : les étoiles sont si éloignées de nous, que même de ces deux points , ou 20 fois plus que l'hypothèse d'Aristarque, nos meilleurs télescopes peuvent à peine observer le décalage de même la plus proche d'entre elles. Il a fallu presque 18 siècles avant que les idées d'Aristarque ne soient rétablies par Copernic.

   

Post-scriptum

    En 1600, William Gilbert, médecin de la Reine Elisabeth I de Grande-Bretagne, et premier investigateur du magnétisme, a publié le De Magnete ("de l'aimant", en latin, langue de ce livre) Cet ouvrage marque la fin de la pensée médiévale, étayée en grande partie sur les citations des auteurs antiques, et le début de la science moderne, basée sur l'expérimentation. (pour un grand site web contenant l'analyse du livre et l'histoire du magnétisme de la terre, de Gilbert à notre temps, cliquez ici.)

    Gilbert était un défenseur loyal de Copernic (voir la section #9c), mais il est intéressant de noter qu'il rapporte le résultat d'Aristarque ("livre 6" de Gilbert, section 2, environ à ses 2/3), écrivant "le soleil ,dans sa plus grande excentricité ,a une distance de 1142 demi diamètre de la terre." Aristarque estime que la distance du soleil est un peu inférieure à 20 fois de celle de la lune, soit environ 60 rayons de la terre, donc de 20x60 = 1200 rayons de la terre, proche du chiffre de Gilbert. En 1800 ans, personne n'avaient vérifié ce résultat!

    La préface du livre de Gilbert a été écrite par Edward Wright, qui utilise cette valeur pour calculer la vitesse du soleil si celui ci tournait autour de la terre en 24 heures et conclut à une vitesse tellement rapide qu'il l'a considère comme impossible:

        Dans le cas le plus commode, celui de l'équateur terrestre, la vitesse nécessaire est de une seconde pour accomplir un quart de mille britannique (la soixantième partie d'un degré ), ce qui est le rythme de quelqu'un qui marche d'un bon pas, sans courir. A comparer avec celle de l' équateur du soleil qui, si il était le corps mobile, devrait parcourir cinq mille milles dans le même temps ,une incroyable célérité... comparable à celle de la foudre. C' est la clef du problème en ce qui concerne le mouvement de la terre.

    C'était probablement le raisonnement d' Aristarque.

A l' attention des étudiants "avancés"

Note: Le calcul réel par Aristarque était plus complexe et moins transparent. (Voir A. Pannekoek : Une histoire de l'Astronomie, 'Interscience, 1961, p. 118-120 et annexe A.)


Incursion: #9b L' Ombre de la terre

Prochaine étape: #9c A la découverte du Systeme Solaire

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Chronologie et Glossaire

Auteur et responsable : Dr. David P. Stern Mail au Dr.Stern:   stargaze("at" symbol)phy6.org
Traduction française: Guy Batteur guybatteur(arobase)wanadoo.fr

Dernière mise à jour : 12.23.2003