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(S-8A-3) Fission nucléaire


    Note: Ceci est la troisième partie d’une revue sur l'énergie nucléaire, plus longue et plus détaillée que celle de la section (S-8). Il a été présenté par David P. Stern, lors d' une présentation dynamique (« flexbook ») sur la physique en Virginie organisée par la fondation CK-12, selon un protocole de "contribution et partage entre tous". Elle a été conçue comme complément à l’enseignement à la physique, à l’école secondaire. Elle comporte également des problèmes et des questions.



    Index

S-2.Les couches du soleil

S-3.Le soleil magnétique

S-3A. Champs magnétiques interplanétaires

S-4. Couleurs de la lumière du soleil

S-4A. Expériences avec les couleurs du soleil

S-5.Ondes et photons

Facultatif: Physique quantique

Q1.Physique quantique

Q2. Les atomes   (plus 6 )
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S-6.Rayons X du soleil

S-7.Energie du soleil

S-7A. Le trou noir du centre
        de notre galaxie

LS-7A. Découverte
      des atomes et des noyaux

S-8.Puissance nucléaire

S-8A-1.Energie nucléaire
(premier lien de 5 sections)

S-9.Les armes nucléaires

   .

3.   Fission des noyaux lourds

Sur la courbe, les noyaux très lourds peuvent toutefois se déplacer d'une autre façon vers des niveaux plus stables: grâce à la fission nucléaire qui divise le noyau en deux parties de masses comparables, au lieu de se séparer de 4 nucléons comme avec la particule α. Le rapport des deux  masses résultantes est variable, mais, en général, est égal à  1:2. ( voir illustration)

Fission of the Uranium nucleus

[Figure 3 -- Fission nucléaire typique ]


Les processus énergétiques atomiques et nucléaires se mesurent en électron volts, c'est-à-dire en énergie acquise par un électron ou un proton (charges électriques de même magnitude) lors d’une chute de tension d’un volt. L' eV est l’unité appropriée pour les processus atomiques , en association avec l’énergie " chimique " de liaison des électrons. Dans le domaine du nucléaire  , une meilleure unité est le MeV, un million d'électron-volt.

   
Dans la fission, la charge de chaque fragments est positive, et leur répulsion mutuelle libère généralement 161 Mev réference #9, à comparer aux énergies des rayons γ, typiquement 2Mev et des particules α, typiquement 4 Mev (plus de détails à la réference #10).


    La fission spontanée se produit  pour les éléments artificiels plus lourds que l'uranium. Et aussi lors de l' l'absorption d'un neutron par un noyau approprié d'uranium --235U or 233U--ce qui peut aussi déclencher une fission.

    Même s’il est projeté directement sur un noyau, un proton doit être accéléré avec une énergie considérable pour vaincre les forces électriques de répulsion et pénétrer suffisamment pour être soumis à la force nucléaire forte. Par contre, le neutron n’est pas repoussé et peut atteindre sa cible, même en se déplacant très lentement - par exemple, un neutron thermique dont l'énergie est comparable à celle des molécules de la matière habituelle ou de l'air, environ 0,03 eV. Imaginons que la cible que constitue le noyau soit d'une taille bien précise : alors, la "nuclear cross section"( coupe transversale du noyeau) , est la zone que doit frapper le projectile pour que soit assurée la réaction (qui est aussi proportionnelle à la probabilité qu’a le projectile de "coller "au noyau »). Les "coupes transversales" du noyeau sont mesurées en barns, 1 barn correspondant à une cible d’une taille de 10-24 cm2 («grand comme un barn " disent les physiciens nucléaires). La coupe transversale d’un noyau que necessite la frappe d’un neutron varie selon l’isotope, et selon l'énergie des neutrons (de même pour les autres particules en cours de collision). Par exemple, un neutron "thermique" a peu de possibilité de toucher un noyau d'hydrogène lourd (isotope 2H ou deuterium) parce que ce dernier possède déjà un neutron supplémentaire.

    Lorsque un neutron atteint sa cible nucléaire, on peut mettre en évidence  l’accélération de l’attraction nucléaire : en effet, la rencontre se fait avec une énergie appréciable, en bouleversant le noyau cible.

    Les effets de cette énergie supplémentaire sont variables :Le noyau cible peut simplement émettre un photon (fin de réf. #11), prélevé au niveau des rayons γ, ou subir quelques changements de structure - par exemple, le neutron peut se transformer en proton, en émettant un électron (radioactivité β). Mais avec l’ 235U --l' isotope composant environ 0,7% de l'uranium naturel - le résultat est généralement une fission nucléaire, éclatant le  noyau en deux fragments dont la composition peut varier mais dont le rapport des masses est en règle générale proche de 2:1.
La fission nucléaire a été découverte en Allemagne en 1939 par Hahn, Lise Meitner et Strassman.

(A l’époque, l'Allemagne était nazie - Hahn a reçu son prix Nobel en 1944, mais Lise Meitner, sa collaboratrice de longue date, qui était juive, n’a eu que la chance de pouvoir s’échapper en Suède).

Très vite, tous les physiciens estimèrent que ce processus pourrait fournir une énergie utilisable.

Non seulement l’énergie nucléaire y était appréciable, mais, plus important encore, libérait des neutrons additionnels, autorisant ainsi une auto réaction en chaîne. .

La réaction en chaîne

Comme déjà vu, la force nucléaire faible tend à égaliser le nombre de protons et de neutrons dans le noyau. Mais comme les protons sont positivement chargés, ils s’éloignent l’un de l’autre et il faut une certaine énergie pour les circonscrire à leur minuscule noyau. Ce passage à un état stable nécessite des neutrons extérieurs. L’isotope principal du fer possède 26 protons et 30 neutrons, soit 53,6% du total pour les neutrons. L’Uranium (235U) en possède respectivement 92 et 143, soit environ 61%. Entre ces deux extrêmes, la proportion des neutrons dans les noyaux est intermédiaire, mais correlative avec la  masse de plus en plus lourde.Supposons qu’un noyau de U-235 soit fissuré en isotopes dont les plus stables ont une proportion de 56% de neutrons. La distribution de départ dans le noyau parent étant en fait de 61%, il reste un excès de 4.7 neutrons pour chaque noyau fragmenté.

    Les noyaux qui ne possédent qu’un ou deux neutrons de plus que leur isotope le plus stable restent également toujours stables. Si l’excédent de neutrons est un peu plus important, l’ajustement est possible grâce à la β-radioactivité, par émission d’un électron ou d’un neutron qui se transforme en proton. Dans le cas d' une répartition encore plus inégale, le processus se déroule plus radicalement : tous les neutrons sont éjectés. Lors de la capture d’un neutron thermique dans 235U,  2,3 neutrons par fission sont libérés en moyenne, 98% "à l’instant même" et 2% en retard d’une seconde ou deux. Ces chiffres sont tout à fait importants.

 Le réacteur nucléaire

Pour créer une réaction en chaîne et la poursuivre, il faut un peu plus d'un neutron par fission. On pourrait croire qu’avec 2,3 à neutrons effectivement générés on obtient un excès de neutrons suffisants mais en réalité les choses ne sont pas si simple (référence 12).

    Primo , les neutrons qui s’échappent à la surface du combustible d'uranium sont «perdus» pour la réaction en chaîne. Il faut donc une "masse critique" pour réaliser cette réaction. Une masse d'uranium de la taille d'une cacahuète est trop mince - un trop grand nombre de neutrons s’échappent en vain (et la forme de l'uranium peut également faire la différence).

    Secundo, il vaut mieux utiliser les neutrons thermiques  pour contrôler la vitesse de la réaction. (Il existe des réacteurs nucléaires utilisant des neutrons rapides, mais ils sont difficiles à concevoir et à mettre en oeuvre, parce que l'énergie y est entièrement libérée sous un très petit volume, d’ou un véritable défi à l’évacuation de la chaleur. Les bombes à fission utilisent des neutrons rapides). Les neutrons de la fission démarrent avec une énergie importante, et il faut les ralentir dans un "modérateur" , par de multiples collisions autour de leur lieu de création. Le modérateur idéal est fait d’un matériel qui ne risque pas de les absorber, avec des atomes légers pour maximiser le transfert d'énergie: les choix habituels se portent sur "l'eau lourde" D2O --où D est la notation habituelle du deutérium, l'isotope lourd de l'hydrogène (c'est-à-dire 2H)-- ou sur le carbone très pur, sous forme de graphite, la matière des mines de crayon.

Pattern of fuel rods inside a reactor

[Figure 4 -- Les barres de combustible dans un modérateur de neutron]

Le carburant d’un réacteur moderne, est en principe disposé dans des barres (ou au creux de tubes d'acier inoxydable), convenablement réparties dans un bassin d'eau lourde (dans certains modèles, d'eau ordinaire), ou dans un ensemble de trous creusés dans un noyau de briques de carbone (dessin).Les neutrons qu’une fission libère dans une barre circulent rapidement dans le modérateur, y sont ralentis à la vitesse thermique, puis après un certain temps atteignent une autre barre (à moins qu'ils ne s'échappent ou ne soient capturés) et y initient une nouvelle fission.

    Bien sûr, l'énergie extraite apparaît sous forme de chaleur : les fragments de la fission, extrêmement rapides, percutent le modérateur et finalement y répartissent leur énergie. Si le modérateur est de type « eau » (lourde ou "légère"), il est maintenu sous pression pour augmenter sa température, puisque l'extraction d'énergie est plus efficace avec une température élevée. Pour un modérateur solide, des canalisations véhiculent de l’eau, qui extrait la chaleur, ou un autre fluide, - voire même du métal : du sodium liquide - (dans les réacteurs à neutrons rapides), une substance extrêmement délicate qui s’enflamme à l’exposition à l'air.

    D'autres canalisations, sous haute pression, sont reliées au système d’extraction de la chaleur et conduisent à des turbines à vapeur classiques (comme celles des centrales électriques thermiques), elles mêmes alimentant des générateurs électriques. La vapeur, alors refroidie par son expansion, est retransformée en eau dans des tours de refroidissement (souvent caricaturées comme de menaçants symboles de l'énergie nucléaire, même si elles ne traitent que de la vapeur) qui la renvoie au réacteur afin de récupérer un peu plus de chaleur.

    Tertio, les fragments de la fission s'accumulent au fur et à mesure de la consommation du combustible. Ils sont souvent très radioactifs ou "chauds" ( la perte de 2-3 neutrons les rend plus stables, mais insuffisamment) et leur élimination est un défi majeur. Ils peuvent rester " chauds" pendant des années et même des siècles, et il faut les maintenir hors du contact avec la vie ou l'eau souterraine. Parce que la radioactivité dégage de l'énergie, donc de la chaleur, il faut d'abord les refroidir.

Retraitement et enrichissement

    Avant d'être remisée, une barre doit absolument être retraitée. Elle contient encore un peu de carburant réutilisable.On peut de plus en extraire et en utiliser certains isotopes radioactifs issus de la fission comme sources de rayonnement, pour la médecine ou la recherche. Mais d’'autres isotopes radioactifs sont de purs déchets et doivent être tenus hors du contact du milieu naturel.

    L'uranium naturel, utilisé dans les premiers réacteurs, se consume rapidement et on lui préfère l’"uranium enrichi" dont la proportion de 235U est augmentée par "enrichissement". Les caractères chimiques des différents isotopes étant pratiquement identiques, il n’est pas possible de les séparer chimiquement et il faut utiliser un procédé non chimique, basé sur des composés gazeux tels que UF6.( hexafluoride d'uranium). Combinées à ce gaz, les molécules de 235U deviennent environ 1% plus légères que celles de 238U, se déplacent donc plus rapidement à une température donnée et diffusent plus vite à travers des parois poreuses. On peut aussi utiliser une centrifugeuse spéciale dont la rotation très rapide peut « irradier » les molécules lourdes et les concentrer dans les couches externes.

    Dans les deux cas, la différence de concentration est très faible, les isotopes ainsi séparés ayant une masse très voisine. En conséquence, les séparateurs d'uranium doivent être montés en cascade de plusieurs unités, successivement alimentées par la partie précédemment enrichie, les déchets étant renvoyés au stade précédent. [L'uranium complètement appauvri est parfois utilisé comme munition pour percer des blindages, car il est très dense et, à la vitesse d’une balle, développe beaucoup d'énergie cinétique.]

    En principe, le combustible d’un réacteur s’enrichit constamment en isotope 238U. mais l’absorption de neutron rend instable cet isotope nucléaire qui, après quelques modifications,  se transforme en plutonium 239Pu , un élément artificiel comprenant 94 protons. Le plutonium est aussi un combustible nucléaire, et une partie de l'énergie dégagée par un réacteur nucléaire provient de sa fission..

    Le retraitement du combustible nucléaire est difficile, car il est trop dangereux pour les humains de le traiter directement une fois usagé. Tout l’appareillage utilisé pour le retraitement est télécommandé - même pour la manipulation et le transport des barres de combustible usagées - et il faut les sécuriser pour longtemps en cas de stockage (comme pour le combustible usé). Comme certains produits de fission absorbent des neutrons, ce qui en réduit l'efficacité (empoisonnement du réacteur), c’est une des raisons pour laquelle il faut extraire des réacteurs le combustible partiellement utilisé et le retraiter.

    Actuellement, les États-Unis ont cessé de retraiter les combustibles usagés provenant des centrales électriques, et les "refroidissent " dans des bassins situés à proximité des réacteurs, mais ce retraitement est sur le point d'être repris. La France, où l’énergie provient avant tout de la fission, la Russie et d’autres pays, maintiennent avec succès leurs centres de retraitement.

Pour le plaisir:
    Les réacteurs nucléaires – qui fonctionnent sans air et ne doivent pas souvent être ravitaillés - sont des sources d'énergie idéales pour les sous-marins.

    Des réacteurs à fission ont également été conçus pour l' alimentation des engins spatiaux. (référence #13). Les États-Unis ont lancé SNAP 10-A en 1965, mais il a été arrêté après 43 jours en raison de dysfonctionnements.La Russie soviétique a lancé de nombreux réacteurs, qui ont ensuite été isolés et envoyés sur des orbites plus élevées, avec une durée de vie portant sur des siècles. Ce programme a pris fin lorsque la manœuvre a échouée pour le réacteur de Cosmos 954, un radar de surveillance océanique. Le satellite s'est écrasé avec son réacteur le 24 Janvier 1978 dans un lac gelé du Canada, provoquant de vives protestations. Ce fut la fin de l'utilisation des réacteurs dans l'espace.

    Par ailleurs, la chaleur radioactive dégagée par le plutonium est utilisée dans les GTR (Radioisotope Thermal Generators) pour alimenter des sondes spatiales extérieures au système solaire, trop éloignées du soleil pour que des cellules solaires soient suffisamment puissantes. Les GTR perdent progressivement leur puissance en 20-30 ans et, bien sûr ne reviennent jamais dans le voisinage de la Terre.
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   L'Allemagne nazie essaya aussi de développer l'énergie nucléaire pendant la Seconde Guerre mondiale, à une échelle beaucoup plus limitée que les puissances alliées. Mais comme le graphite avait été considéré comme inadapté, car les échantillons testés pour le modérateur n’étaient pas assez purs et absorbaient trop de neutrons, il fut remplacé par un sous-produit des centrales hydro-électriques de Norvège, "l'eau lourde". La résistance norvégienne a efficacement saboté la production de celle-ci.

Problèmes

( Réponses en section S-8A-5)

(1) (Pour ce problème, résoudre d’abord le problème (5) de la section précédente) Sachant qu’un noyau de 235U libère 200 Mev dans une fission (en tenant compte de certains processus secondaires, le total moyen est de 215 Mev), combien de tonnes de TNT faut-il pour obtenir l'énergie produite par la fission complète de 1 gramme de 238U ?

(2) Etablir un glossaire définissant brièvement par ordre alphabétique, avec vos propres termes :

    Barn (unité), enrichissement isotopique en cascade, réaction nucléaire en chaîne , masse critique,  coupe transversale nucléaire ((pour l'interaction nucléaire), neutrons ralentis, enrichissement (d'uranium), fission (nucléaire), fragments de fission, barres de combustible, graphite, eau lourde, séparation des isotopes par centrifugation, séparation isotopique par cloison poreuse, photon, plutonium, «empoisonnement» d'un réacteur nucléaire, neutrons rapides, retraitement de combustibles nucléaires, neutrons thermiques.

"From Stargazers to Starships"(Des observateurs aux explorateurs de l’espace ) continue par les sections sur les vols spatiaux et les engins spatiaux, en commençant par Le Principe de la Fusée

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Auteur et responsable:   Dr. David P. Stern
     Mail au Dr.Stern:   stargaze("at" symbol)phy6.org .

Dernière mise à jour: 2-11-2009

Traduction : Guy Batteur ( guybatteur"at " wanadoo.com ), le 25 nov. 2009