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(26) Robert Goddard et ses fusées

Premières Fusées

Appliquant leur invention de la poudre , les chinois ont imaginé les fusées, vers l'an 1000, peut-être plus tôt. Les fusées ont certes agrémenté les feux d'artifice, une autre contribution chinoise, mais, inéluctablement, elles ont été appliquées à la guerre, comme missiles pour incendier les villes ennemies.

Les Anglais ont relaté qu'en 1791, les troupes indiennes du Sultan Tipoo utilisaient contre eux des fusées. En 1806, l'officier Britannique William Congreve projetait d'utiliser contre Napoléon une fusée militaire. "L'éblouissante lumière rouge de la fusée" dans l'hymne des EU se réfère à l'utilisation de fusées de ce type en 1814 ,lors d'une attaque Britannique du Fort McHenry, près de Baltimore, mise en échec. L'efficacité de ces fusées était notoirement insuffisante et elles ont été presque abandonnées avec les progrès de l'artillerie. Cependant, l'usage de fusées, envoyant une amarre au rivage, continuait pour les navires en détresse.

Mais les fusées étaient la seule voie possible pour atteindre l'espace. Un visionnaire l'avait compris, Konstantin Tsiolkovsky (1857-1935). C'était un enseignant russe qui écrivait avec enthousiasme des livres sur de lointains projets de vols spatiaux, bien avant que l'idée ne soit prise au sérieux.

   

Goddard

Un autre visionnaire fut un jeune Américain , Robert Hutchins Goddard (1882-1945). Originaire de Worcester, Massachusetts, la famille Goddard séjournait chez des amis en banlieue de Worcester quand, le 19 octobre 1899, étant monté dans un vieux cerisier pour l'élaguer, il se mit à rêver :


Le 19 octobre est devenu "Jour Anniversaire," marqué dans son journal comme son jour personnel de congé. Par exemple, en 1913, il écrit dans la liste "des choses à faire" par ordre de priorités suivant :

Worcester, Octobre 19, 1913
(Jour Anniversaire)
    Finir si nécessaire la demande de brevet de la tuyère et de la "pluralité," rechercher la "particulariré" terminer la demande pour la pompe électrique; refaire soigneusement les calculs pour de plus petits intervalles; cherchez la théorie de Darwin sur le mouvement lunaire; et cherchez des météores. Essayez aussi une fusée .

La demande de brevet d'invention AMÉRICAIN #1,103,503, fut accordée en juillet 1914 avec la précédente, *1,102,653. "La pluralité" était le terme de Goddard pour des fusées à étages multiples . Ses brevets d'invention ont aussi concerné les tuyères d'expansion et le carburant liquide, bien que Goddard ne les aient pas expérimenté avant 1915 et 1922, respectivement. .

Les premières fusées expérimentales de Goddard

En 1915, il a commencé des expériences sur l'efficacité des fusées, alors qu'il était professeur assistant à l'Université de Clark, Worcester,. Il acheta dans le commerce quelques fusées et a mesura leur poussée au moyen d'un pendule balistique, une lourde masse rattachée à la fusée et suspendue à une corde. Une fois la fusée tirée , la hauteur atteinte par le pendule fournit une mesure du moment cinétique (vitesse * masse).

On peut montrer par les lois de Newton que le moment total d'un système non soumis à des forces extérieures se conserve; En fait ,c'est une autre formulation de la conservation du centre de gravité, mentionnée dans l' exposé sur la propulsion des fusées. Le moment mv communiqué au pendule dans une direction est égal à celui communiqué au brûleur à gaz de la fusée ,et détermine la longueur et la hauteur de son oscillation. En pesant la fusée avant et après le tir, Goddard pouvait calculer la masse m des gaz éjectés et en tirer v. Pour une fusée Coston de 1 livre v il a constaté que v était d'environ 1000 pieds/seconde (300 m/seconde).

La tuyère de De Laval

Une fusée est essentiellement un "moteur à chaleur", un dispositif pour convertir l'énergie chaleur (obtenue de l'énergie chimique d'un carburant) en énergie mécanique, ici l'énergie cinétique mv2/2 du jet qui s' échappe.Connaissant m et v, Goddard pouvait calculer l'énergie cinétique donnée au gaz. Il pouvait obtenir le bilan de l'énergie chimique convertie en brûlant une quantité connue de carburant, et en mesurant la hausse de la température (e. g. dans l'eau) de la chaleur absorbée. La conclusion était assez décevante : 2 % environ de l'énergie disponible participe seulement à la vitesse du jet de la réaction.

Comment faire mieux ? Heureusement pour Goddard, ce problème avait été résolu par Gustav De Laval, un ingénieur Suédois de souche française. Dans l' espoir de développer une locomotive à vapeur plus efficace, de Laval avait conçu une turbine dont la roue tournait en réaction aux jets de vapeur.

 La turbine de De Laval :
  4 tuyères, disposées
 en croix.

Le dispositif important, celui où l'énergie calorifique des courants sous haute pression en provenance de la chaudière est convertie en énergie cinétique, était le bec d'où le jet soufflait sur la turbine. De Laval démontrait une plus grande efficacité si ce bec est d'abord rétréci, portant la vitesse du jet à la vitesse du son ,puis ensuite est de nouveau élargi. Au-dessus de la vitesse du son (mais pas en-dessous !) cette expansion cause une nouvelle augmentation de la vitesse du jet et amène une conversion très efficace de l'énergie calorifique en énergie mécanique.. Les turbines à vapeur modernes sont la source de puissance préférée des stations productrices d'énergie électrique ,et celles des grands bateaux, bien qu'elles soient généralement de conception différente. Pour un meilleur rendement, la turbine de De Laval doit être utilisée à de plus grandes vitesses. Mais pour les fusées, la tuyère de De Laval était juste suffisant.

Goddard a expérimenté sur son pendule balistique divers types de tuyères, utilisant une petite chambre de combustion métallique remplie d'un certain type de poudre , mise à feu électriquement. L' extrémité de la chambre était calibrée, pour que de différents becs puissent y être vissés et évalués. Avec une tuyère de De Laval, il a obtenu des vitesses de réaction entre 7000 et 8000 pieds/seconde et une efficacité de 63 %. Plus tard il a remplacé le pendule balistique par un dispositif plus compact, non plus soulevé par la poussée des fusées, mais comprimé par un ressort étalonné. Avec ce dispositif il a montré que (contrairement à la rumeur) les fusées fonctionnent aussi bien dans le vide.

Comme Goddard le note lui-même , la fusée est devenue le moteur thermique le plus efficace, plus que celui à piston des locomotives à vapeur (21 %) et ou à moteurs diesel (40 %). Pas étonnant : d'après la deuxième loi de la thermodynamique, l'efficacité augmente en fonction de la température d'exploitation et il n'y a pas de moteur thermique aussi chaud que celui d'une fusée.

 Un moteur de fusée,
  au musée Smitsonien,
 ouvert pour montrer
le dispositif convergent-diver-
 gent de la tuyère de De Laval.
Le vol spatial est passé d'un vague rêve à une réelle possibilité grâce au bec de De Laval. Goddard a communiqué ses résultats à l'Institut Smithsonian à Washington ,et a demandé une aide pour développer une fusée capable d'explorer la haute atmosphère. Son originalité (la recherche de "particularité" dans sa liste de priorité) était d'alimenter la chambre de combustion par des blocs de carburant solide, un peu comme les balles d'une mitrailleuse. En janvier 1917 l'institut Smithsonien a octroyé une subvention de 5000 $ et Goddard a commencé sa panoplie de fusées.

Quand les EU sont entrés dans la première guerre mondiale, Goddard a aussi travaillé quelques temps sur des fusées militaires, mais aucune de ses conceptions n'a été mis en œuvre. On a fabriqué des fusées un peu semblables pendant la Deuxième Guerre mondiale, des "bazooka" , armes efficaces contre les blindés.

Carburant Liquide

L'idée d'alimenter la fusée par un flot continu de charges solides s'étant révélée impraticable, Goddard est revenu à sa première idée en 1922, également et indépendamment proposée aussi par Hermann Oberth en Allemagne ,et par Tsiolkovsky : une fusée à carburant liquide. Il projetait deux arrivées pour la chambre de combustion, l'une pour le carburant, l'autre pour l'oxygène, fonctionnant comme un poste à souder découpant l'acier, sauf qu'ici les deux arrivées concernent des liquides, pas des gaz : de l'essence et de l'oxygène liquide, dans la conception de Goddard.

Une telle fusée promettait une très haute efficacité, mais posait aussi des défis technologiques sérieux. Les deux liquides devaient être pompés à un taux stable et l 'un d'eux, l'oxygène liquide, est extrêmement froid. La haute température de combustion de l'oxygène pur exigeait des matériaux résistants à la chaleur .Pour résoudre ce problème, Goddard a développé une technique de rafraîchissement de la chambre de combustion par l'oxygène liquide provenant du réservoir de carburant. Cette méthode est toujours utilisée: dans la figure, l'extérieur de la tuyère est recouverte d'un grand nombre de pipes de métal, par lesquels les flux froids de carburant s'écoulent vers la chambre de combustion. Goddard du aussi faire face à un autre problème complètement nouveau : le guidage et le contrôle de la fusée en vol.

    Robert H. Goddard et sa
    fuséeà carburant liquide
    (1926) .La fusée est au
    dessus, recevant son
    carburant par deux conduits
    venant du réservoir, en bas.

Le 16 mars 1926, Goddard a essayé en vol sa première fusée à carburant liquide. Il pensait qu' elle serait stabilisée en la plaçant au dessus du réservoir de carburant, celui ci étant protégé de la flamme par un cône de métal, avec les lignes d'alimentation en carburant et en oxygène derrière la fusée : le prototype a fonctionné, mais sans la stabilité désirée. La fusée a brûlé environ 20 secondes avant d'atteindre une poussée suffisante pour partir (ou un allégement suffisant du réservoir de carburant). Pendant ce temps une partie de yuyère a fondu, et la caméra avec laquelle Mme. Esther Goddard essayait d'enregistrer le vol est tombé à court de film, si bien qu'aucun souvenir photographique de ce vol ne reste. Puis, elle a décollé à une hauteur de 41 pieds, en 2. 5 secondes, soit une moyenne d'environ 60 km-h.

Les idées de Goddard semblait valables, mais était toujours loin d'une conception pratique. Malheureusement, il travaillait isolé, sans les ressources techniques d'une institution importante. Dans les années qui ont suivi, il a continué à développer ses fusées, affinant la direction de leurs mouvements par des gyroscopes, introduisant des petites ailettes au niveau de l'échappement, et construisant des fusées plus grandes et plus rapides. Tout ceci a été évalué sur le terrain, dans des stands d'essai et parfois aussi en vol libre, surtout dans le laboratoire pour fusées qu'il avait créé à Roswell, au Nouveau Mexique.

Mais d'autres ont réalisé son rêve , avec un appui militaire ou national. Goddard n'a malheureusement pas assez vécu pour voir l'âge du vol spatial. Il est mort d'un cancer le 10 août 1945, à Baltimore.

En savoir plus :

Un autre portrait de Goddard, avec les restes d'une de ses fusées après un vol, avec texte descriptif.

Un site Web décrivant les expositions des fusées de Goddard au Musée Aérien et Spatial National (partie de l'Institution Smithsonian) à Washington : exhibits of Goddard's rockets


Prochaine étape: #27  L'Evolution de la Fusée

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      Auteur et responsable :   Dr. David P. Stern
     Mail au Dr.Stern:   stargaze("at" symbol)phy6.org

Traduction française: Guy Batteur guybatteur(arobase )wanadoo.fr


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Dernière mise à jour : 12.13.2001